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Catégorie : 1907
Work Made Easy
décembre 1907 Film de J. Stuart Blackton (USA)
Histoire : un professeur invente une machine qui permet, grâce à un flux magnétique, de donner aux objets une autonomie de mouvement, espérant ainsi alléger la charge du travail à l’homme. Il l’utilise d’abord sur un tas de caisses qui montent elles-mêmes les escaliers d’une usine pour s’auto-stocker. Puis c’est un immeuble en construction dont les matériaux trouvent eux-même leur place. Dans l’atelier d’un charpentier, les scies et les marteaux travaillent seuls. Mais les ouvriers se révoltent comprenant qu’on leur vole leur gagne-pain et maltraitent le professeur. Celui-ci utilise la machine sur lui, tourne alors comme une toupie jusqu’à devenir flou, et s’envole hors champ.
Commentaires : Un sujet bien plus réussi sur le plan science-fiction que The Mechanical Statue ou Blackton, prenant pour prétexte les ondes magnétiques (leur présence dans l’air a été découverte 20 ans plus tôt), dresse le tableau de l’innovation dans le monde du travail et de ses répercussions possibles. Quelques 25 ans plus tard, la crise majeure qui fera sombrer le monde aura parmi ses causes les évolutions de production et le chômage causés par la mécanisation du travail. Nous voilà dans un vrai travail de SF. Une invention qui devait être profitable et s’avère plus destructrice : l’idée de progrès contrariée. La morale semble sans équivoque : l’inventeur finit victime de sa propre invention.
Dr Skinum
décembre 1907 Film de Wallace McCutcheon (USA)
Histoire : Le Docteur Skinum soigne tout ! Mais il provoque aussi des catastrophes, comme l’agrandissement d’une naine étriquée dans des vêtements devenus trop petits, où le rapetissement d’une femme à la taille d’un bébé.
Commentaires : Le Dr Skinum semble être un exemple de savant fou provoquant plus de dégâts qu’il ne résout de problème, par l’utilisation d’appareil, de l’hypnose, etc. ayant avant tout des effets de proportions. Un film qu’on imagine reposer sur un type d’effet spécial maîtrisé et utilisé en variations – sorte de « gulliverisme ». Du moins est-ce le pitch que rapporte Hardy. Pour Telotte, le Dr Skinum invente une machine qui rend les gens laids plus beau….
L’image en une représente McCutcheon et son épouse. Voilà bien la seule image que j’ai pu trouver sur ce film !
Love Microbe
octobre 1907 Film de Wallace McCutcheon – USA
Histoire : le Pr Cupido prélève sur un couple d’amoureux le microbe de l’amour. Il fabrique un sérum qu’il utilise ensuite sur des cobayes en manque d’amour. Il rend douce sa mégère de femme, provoque la passion d’un couple blasé… pour finalement l’essayer sur lui-même : après une aventure malheureuse avec une patiente mariée, il finira par recommencer une vie comblée avec sa femme désormais transformée.
Le Pr Cupido est persuadé que l’amour est l’effet d’un animalicule. Il fait un prélèvement sur un couple de pigeon et l’observe au microscope. En effet, il découvre des microbes et décide d’expérimenter : il transforme sa virago de gouvernante en dulcinée attendrie. Une injection sur un couple blasé les changent en amoureux transis. Un couple hargneux fait ensuite un cas remarquable. Alors que le fils est envoyé chercher à boire, le mari critique sévèrement la cuisine de son épouse. S’ensuit une scène de ménage violente où les casseroles volent.. Mais lorsque l’époux ingurgite la boisson qu’apporte son fils, modifiée en cacheette par le Professeur, il demande pardon à sa compagne. Celle-ci l’assomme, mais boit à son tour : l’amour règne enfin dans le ménage
Il est temps cette fois pour Cupido d’essayer lui-même le produit. Il séduit une femme qui venait par hasard lui rendre visite. Le mari, furieux, tente d’éliminer le Professeur. Heureusement, la gouvernante sauve la situation en rendant l’homme doux comme un agneau grâce à une injection. Il repart avec une épouse qui ne comprend plus ce qui se passe. Le Professeur, lui, tombe amoureux de la gouvernante qui vient de lui sauver la vie.
Commentaires : voici une comédie qu’on aimerait voir. La projection à l’écran d’un microscope filmé est à rapprocher de The Unclean World, mais le récit est ici bien plus étoffé et recherché.
Liquid Electricity
septembre 1907 Film de Stuart Blackton (USA)
Histoire : Le Pr Watt, en travaillant sur l’électricité, obtient un fluide étonnant. Il le teste d’abord sur lui-même et comprend qu’il accélère la vitesse. Il l’utilise alors, transformant des balayeurs municipaux en employés infatigables, une ronde de police en une patrouille zélée, un peintre en champion de peinture de clôture et, enfin, un homme s’apprêtant à sauver une jeune fille de la noyade en un champion de natation.
Commentaires : Encore un court qui se base en premier lieu sur l’exploitation d’un trucage sur la vitesse et sur l’énergie électrique. Le film paraît être très science-fiction : il s’agit non seulement d’une invention scientifique, mais également de son application sur le monde (à petite échelle). On peut également y voir un raccourci pour mettre en scène ce qui va être l’ère moderne : une accélération générale du rythme de vie par les nouvelles technologies, en particulier l’électricité. L’accueil du public fut excellent, amenant Blackton à récidiver l’année suivante avec Galvanic Fluid.
La Lotion Miraculeuse
1907 Film de ? (Fr)
Histoire : une femme refuse le mariage à un homme chauve. Celui-ci utilise une lotion et retrouve sa capillarité. Subjuguée, la jeune femme consent enfin au mariage, mais sa mère, étonnée, cherche et trouve la lotion. Elle et sa fille vérifient le contenu : du liquide goutte sur leurs mouchoirs… Plus tard, lorsqu’elles essuient leurs visages, à leur grande frayeur, la barbe leur pousse… l’homme tente de sauver ses dames avec une lotion au pouvoir inverse. Cela fonctionne plus qu’espéré car les deux femmes deviennent chauves à leur tour.
Commentaires : Sans doute un « remake » de The Fabulous Hair Restorer de 1901. L’histoire ne dit pas si l’homme finit par refuser le mariage, ce qui serait une fin presque logique. Cette version comporte un raccord de regard (plan de champ contre champ comprenant un plan A de la personne qui regarde et un plan B de l’objet regardé), plan notable étant donné la date : le vocabulaire cinématographique s’invente alors jour après jour, et dans les films de pré-science-fiction aussi, bien sûr.
Le Tunnel sous la Manche
Histoire : Le film commence sur une scène représentant deux chambres. Elles sont occupées l’une par le roi d’Angleterre, l’autre par le Président Français. Les deux hommes se couchent et commencent à rêver. Dans leurs rêves, le même pour les deux, ils se voient, immenses, chacun de leur côté de la Manche, se regarde à travers un télescope, se font des signes. Leurs bras s’allongent pour une poignée de main surnaturelle. Ils en viennent à creuser le sol, d’abord avec deux immenses vrilles, puis avec des pioches. Les scènes suivantes montrent des ouvriers au travail. Les ouvriers des deux pays se rejoignent. On voit un train utiliser le tunnel. Vient ensuite la célébration de la réalisation. Après un intertitre bilingue « le Réveil-Awaking ! » le film poursuit sur un accident : deux trains se percutent au milieu du tunnel. Réveillés par le cauchemar (le film est sous-titré : le cauchemar franco-anglais) le dirigeant français rejoint l’anglais dans sa chambre. Tout deux relatent leur rêve. Est annoncé alors un homme qui porte le projet du Tunnel sous la Manche. Celui-ci est reconduit d’une manière expéditive.
Commentaires : On pourra trouver visionnaire ou assez science-fiction le sujet du film. Il faut pourtant s’apercevoir que les projets de tunnel sous la manche datent du tout début XIX, et restent d’actualité en ce début XXème. Au-delà du sujet, d’anticipation technique pourrait-on dire, on remarque que Méliès met en jeu un face à face entre deux nations concurrentes, deux systèmes politiques pour finir par signifier qu’il ne pourra être que difficile voir impossible qu’il se rejoignent. Sur ce point, il offre ici aussi un point de vue qui reste encore d’actualité. Sur un autre sujet, sont-ce les baisers que s’envoient les dirigeants de chaque côté de la Manche, les tire-bouchons géants pour creuser le sol, ou l’accident de train dans le tunnel qui font voir à Lynne Kirby*, en 1997, dans ce film, un motif homosexuel inconscient et sous-jacent ? Laissons cette interprétation assez cliché à l’auteur.
*Lynne Kirby, Parallel Tracks : The Railroad in Silent Cinema, 1997.
Hair Restorer
juin 1907 Film de Lewin Fitzhamon (GB)
Histoire : une femme surprenant son mari dans les bras de la femme de maison lui arrache les cheveux. Celui-ci court chercher un régénérateur capillaire et retrouve sa chevelure. Mais sa femme lui cherche querelle à nouveau. Dans la bagarre celle-ci tombe dans une baignoire pleine du liquide miracle. Elle en ressort totalement poilue. Le film se termine sur la vision du mari et de son amante, dresseurs pour animaux, qui s’embrassent devant un ours gémissant : l’ex-épouse transformée.
Commentaires : Un scénario particulièrement drôle, apparemment, sur le thème de l’invention capillogène. Est-ce à mettre en relation avec les mouvements féministes (Méliès mettre lui-même en scène les suffragettes pour les ridiculiser) cela est peu sûr, même si la condition féminine (et donc de la mère de famille) est déjà en question à l’époque. A mettre en relation en tout cas avec les nombreuses publicités pour des produits régénérateurs, déjà à l’époque – et depuis fort longtemps : l’image en une est une annonce de 1907 pour un de ces produits connus alors de longue date.
Et puis, en un sens, ce film est une prémonition de Chewbacca ^^ !!!
La Ceinture Electrique
mars 1907 Film de Etienne Arnaud (Fr)
Histoire : un homme acquiert une ceinture électrique après en avoir vu la publicité : elle va lui conférer une super-vitalité.
Commentaires : thème de l’invention électrique merveilleuse, récurrent à l’époque. Peu d’information malgré tout sur ce film difficile à trouver mais toujours existant. Voir les précisions du sieur Bond dans les commentaires ci-dessous.
The Mechanical Statue and the Ingenuous Servant
janvier 1907 Film de Stuart Blackton (USA) inspiré de Coppélia, donc de l’Homme de Sable d’Hoffmann
Histoire : un père achète à son fils, dans une boutique, un automate-gladiateur de taille humaine. Au domicile, il le laisse à la charge d’un serviteur. Celui-ci, curieux, reçoit un coup d’épée en trifouillant dans le moteur du robot. L’employé se bat alors avec le gladiateur et le fait fuir. Du coup, il craint de perdre son travail et entreprend de prendre l’aspect de la machine, se recouvrant de farine pour en simuler la blancheur. Lorsque son employeur arrive, il met en marche le « faux automate » qui commence à danser comme un robot, puis assène des coups d’épée sur la tête du père pour le grand amusement du fils spectateur.
Commentaires : C’est la première apparition du robot – ou de son équivalent pour l’époque – aux USA et c’est à nouveau, comme le firent Méliès et Fitzhamon avant ce film, une adaptation de Coppélia. Adaptation fortement détourné sur un versant comédie. Si le film correspond vraiment au pitch décrit, je serai étonné qu’il nous donne quelque chose de formidable. Ah, d’ailleurs, voici une critique de Variety de l’époque : « The discovery of the deception is the finale, bringing to a close a moderately funny series, with a deal of the humor lacking through the obvious employment of forced comedy«