Balaoo ou les Pas au Plafond

1913 Film de Victorin-Hippolyte Jasset (Fr) adaptation de Balaoo Les Pas au Plafond (1911) de Gaston Leroux

Histoire : Le Professeur Coriolis, désireux de prouver le bien-fondé de la théorie de l’évolution, invente un sérum qu’il administre à un babouin et le fait évoluer vers l’humanité. Il tente de lui inculquer des sentiments. Balaoo – c’est le nom de la créature – provoque cependant des dégats dans le voisinage. Sévèrement réprimandé par le professeur, il s’enfuit.

balaoRetrouvé dans une autre ville, il est traqué. Tombé dans un piège, il est sauvé par un braconnier, Hubert Wolf. Balaoo lui fait entendre qu’il sera désormais son serviteur. Mais Wolf n’est pas un individu à la morale irréprochable et il pousse Balaoo à tuer un homme avec qui le braconnier avait eu une altercation. Puis, l’homme, tombé amoureux de Madeleine, la fille de Corialis, demande à Balaoo de la kidnapper. Celui-ci s’éxécute, mais comprend les intentions du braconnier. Il tente d’assommer son maître avec un tonneau. Balaoo sera mortellement blessé par balle. Dans le temps qui lui reste à vivre, il réussit à construire un piège pour Wolf, sauvera Madeleine, préviendra le professeur. Dans un dernier geste pour dénoncer Wolf, il décède.

Commentaires : Adaptation du roman de Gaston Leroux, le récit ne semble pas sans apparenté avec le chef-d’oeuvre de la SF : le Frankenstein de Shelley. La question de fond semble être celle de ce qui définit l’humain et Balaoo, de sa création au sauvetage de Madeleine, semble dessiner un parcours à la fin duquel il gagne – au-delà d’une évolution anatomique – le statut d’égal à l’homme.

balaooLe film connu un certain succès, notamment grâce à ses « effets spéciaux » montrant un Balaoo acrobate, sautant, escaladant, marchant même, comme le dit le titre, au plafond. Le film connaîtra au moins deux « remakes », un en 1927 (Le Magicien) et le second en 1942 (Le secret du Dr Renault). Le récit de Leroux, et donc ce film, aborde le thème de l’évolution Darwinnienne – du moins, comme souvent, de sa caricature résumée par « l’Homme descend du singe » – dont l’existence est vulgarisée à l’époque et provoque déjà de l’émulation.

A la Conquête du Pôle

1912 Film de Georges Méliès (Fr) inspiré de Les Aventures du capitaine Hatteras (1866) de Jules Verne

Sujet : Des savants se réunissent pour mettre au point une expédition vers le Pôle Nord. Certains, sous l’égide du grand Professeur Maboul, partiront en aérobus. Les suffragettes tenteront de participer à l’entreprise. D’autres savants feront le trajet sur d’autres véhicules, mais seul le Professeur assurera la réussite du projet. Il y aura bien sûr des embûches et notamment le terrible géant des glaces, qui avale goulument quiconque s’approche de lui…

conquete du poleNote : Préparatif – Voyage – Exploration périlleuse, le scénario reprend pour beaucoup les films précédents de Méliès sur le thème de l’exploration d’un monde nouveau. Ce film, qui est encore une grande production, est le plus long que Méliès ait réalisé. Ce sera, en un sens, son dernier coup d’éclat. Car si le scénario n’évolue guère, les partis pris cinématographique de Méliès évoluent encore moins – à un moment où la grammaire cinématographique progresse si vite. La conquête du Pôle Nord sera ainsi un échec commercial cuisant, endettant Méliès auprès de Pathé et signant la fin de sa carrière. Le film, dont l’histoire est d’inspiration vernienne fait penser au The Adventurous Voyage of the Artic de Booth, film qui était lui-même inspiré de Méliès. S’il n’est pas évident de savoir si ce film a eu une influence, il est probable que Pif Paf Pouf, un spectacle où apparaissaient un géant de glace articulé et un Pôle magnétique, aimanté, ait eu une influence sur le film.

L’acceptation dans la section SF est litigieuse. En effet, le Pôle fut réellement conquis 3 ans plus tôt par Cook et par Peary. Comme pour ses autres « adaptations » verniennes, Méliès fait une fantaisie bien éloignée des préoccupations du romancier, ce qui fait autant plaisir au cinéphile amateur qu’il l’éloigne du genre qui nous préoccupe.

Dr Jekyll and Mr Hyde

1912 Film de Lucius Henderson (USA) d’après L’étrange Cas du Dr Jekyll et de M. Hyde (1886) de Robert Louis Stevenson

Histoire : Le Dr Jekyll développe une potion qui le transforme en Mr Hyde, sa face cachée. Jekyll est également le prétendant de la fille d’un ministre – le Sir Carew du livre ; mais un jour Jekyll se transforme sans prise de drogue et agresse la fille de Carew. Il tue également le parlementaire venu défendre sa descendance. Jekyll devient Hyde désormais de manière soudaine, et c’est sous cette forme qu’il finira, pris au piège, par préférer le suicide.

Commentaires : Le scénario s’inspire sans doute de la pièce de Thomas Russell Sullivan présenté en 1887 qui introduit la fille de Carew et féminise le récit initial de Stevenson. En 12 mn, Henderson monte une trame efficace, il garde l’épisode de la fille renversée, le meurtre de Carew, et nous offre une fin dramatique.

Il s’agirait là de la quatrième adaptation connue de Stevenson et, apparemment, la plus ancienne encore visible.

The Aerial Anarchists

1911 Film de Walter Booth (Gb)

Histoire : Des anarchistes construisent dans un endroit retiré un aéroplane. Bientôt, celui-ci décolle et part à l’attaque, détruisant un fort, un pont supportant une voie de chemins de fer… Une bombe tombe sur un train. Celui-ci doit être secouru dans la panique. Les terribles anarchistes joignent bientôt Londres. Ils bombardent la cathédrale St Paul, puis une église dans lequel un mariage est célébré. Le marié décide de poursuivre en voiture l’aéroplane pour ne pas le perdre de vue mais ceux-ci s’en aperçoivent et endommage la voiture. Ils sont ensuite poursuivis dans les airs. Une bataille aérienne s’engage, se concluant sur la destruction de l’aéroplane des anarchistes. Ceux-ci sortent de l’engin et fuient par voie de terre jusqu’à leur repaire où ils sont assiégés. Ce sera l’explosion d’une de leur propre bombe qui causera leur perte.

Commentaires : Ce film est le dernier opus de la série que Booth a dédié aux guerres aériennes futuristes. Les deux premiers films étaient : The Airship Destroyer et The Aerial Submarine. Cette série est signalée comme la première série anglaise de science-fiction. On peut s’étonner du dernier sujet (pourquoi des anarchistes ?). La série de Booth pourrait être influencée par le livre de Douglas E. Fawcett, Hartmann the anarchist (1893), où un anarchiste invente un plus-léger-que-l’air et attaque Londres.

L’image en Une a été trouvé sur un site chinois où elle servait d’illustration pour ce film. Le peu d’information sur cette page ne permet d’assurer avec certitude qu’elle est bien tiré de The Aerial Anarchists.

The Automatic Motorist

1911  Film de Walter Booth (GB)

Histoire : Un couple de jeunes mariés partent en lune de miel à bord d’un véhicule conduit par un conducteur-automate, un robot à son premier essai – qui s’avère désastreux. Celui-ci perd le contrôle du véhicule, renverse un policier. A grande vitesse, le véhicule part sur la Lune, puis sur Saturne où, après avoir tourné sur les anneaux, il chute sur la planète, traversant la croute saturnienne. Là, les Saturniens en rage veulent renvoyer nos mariés illico, mais l’un d’eux, plus prévenant le fait en douceur.

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Un robot qui n’est pas que conducteur apparemment

La voiture n’en finit pas moins au fond de l’océan, où il côtoiera les monstres marins, et dont il ne sortira que grâce à la puissance d’une éruption volcanique sous-marine. Là, les passagers se jetteront de la voiture, laissant le robot conducteur, et utilisant leur parapluie comme parachute. Leur descente sera accélérée par la destruction de leur parachute improvisé sous les tirs d’un chasseur les prenant pour du gibier.

Note : Ce film est le troisième sur le thème de la « voiture folle ». Le premier « The ? Motorist », classé dans la section Refusés est une précédente réalisation de Booth et The Automatic Motorist peut-être considéré comme un remake. Alors que dans le premier la voiture part dans l’espace sans autre explication, ici, le thème du robot conducteur suppose – a posteriori dirais-je – une technologie qui permet de classer ce film en SF avec moins d’appréhension, d’autant qu’il apporte un autre thème, celui de la visite d’une planète habité par des extraterrestres. On se doute que la caution scientifique n’est cependant pas ici une question primordiale, vu le peu de cas que Booth en faisait dans l’original. Le second film sur le thème « When the Devil Drives » semble plus fantastique, rien qu’à lire le titre (et pourrait être alors un ancêtre du Christine de Carpenter ^^).

Pirates of 1920

1911 Film de David Aylott et A.E. Coleby (Gb)

Histoire : Le Lt Manley prend le bateau, mais celui-ci transporte de l’or et va subir l’attaque aérienne de pirates modernes : des pirates aériens ! Ceux-ci vont immobiliser le navire, prendre l’or et s’enfuir en lançant des bombes sur l’embarcation qui explose. Juste avant l’explosion, notre héros saisi une échelle de corde encore accessible et monte sur le navire pirate. Il est rapidement repéré et recherché : on trouve des papiers qu’il a laissé tombé – avec une photo de sa compagne. Jack est repris et doit être pendu au bout d’un corde. Il réussit à la couper in-extremis et se laisse tomber dans la mer. Le capitaine pirate, lui, tombe amoureux de la jeune femme représentée sur la photo trouvé. Il décide de prendre la route de l’adresse de la belle et l’enlève. Après quelques péripéties, la jeune fille sera sauvée par son compagnon – et la police – et le capitaine pirate tout bonnement tué.

Commentaires : un film qui a eu un grand succès et a connu une deuxième sortie en 1915 sous le titre de « Pirates of 19__ ». La partie science-fiction est tout de même assez faible, il s’agit de ce vaisseau pirate volant, le reste penche plutôt du côté de l’aventure, le tout relevant plutôt du Vernien que de la SF dans un sens plus moderne – j’ai d’ailleurs trouvé une référence sur le net signalant que l’histoire était tiré d’un Jules Verne, mais je n’ai ni titre ni assurance sur ce point.

The Aerial Submarine

1910 Film de Walter Booth (Gb)

Histoire : Un jeune garçon et sa sœur découvrent des pirates en action et les prennent en photo. Surpris à leur tour, les jeunes gens sont kidnappés. Leur père ne retrouvent d’eux que l’appareil et les photos qu’il rapporte à la police. Embarqués dans un sous-marin, les enfants découvrent les merveilles que recèlent les profondeurs. Ils assistent également à l’attaque d’un navire. Celui-ci est d’abord torpillé, puis (simplement) pillé par des plongeurs. Le sous-marin est repéré par l’armée. On découvre alors qu’il peut également voler. Il faudra l’erreur d’un homme d’équipage pour voir l’engin pirate obligé d’atterrir pour être détruit par les bombes de ses poursuivants.

Commentaires : Le film de Booth est dans la continuité du très bon film, à mon goût, de science-fiction : The Airship Destroyer de 1908.

A Trip to Mars

1910 Film de Porter ou Miller ? (USA)

Histoire : un savant invente une poudre « anti-gravitationnelle ». Il l’utilise sur lui-même et s’envole dans les airs puis dans l’espace jusqu’à Mars. Là, il traversera une forêt vivante et échappera aux arbres de Mars. Il tombe ensuite entre les mains d’un martien qui l’emprisonne dans un nuage pour mieux s’en débarrasser : l’homme est renvoyé sur Terre…

Commentaires : A Trip to Mars est une œuvre jusqu’à récemment réputée perdue, produit par la firme Edison pour son Kinétoscope. L’idée d’anti-gravité avait été développée par Wells bien plus tôt, on la trouve aussi chez Percy Greg, en 1880, dans Across the Zodiac – où le héros d’ailleurs l’utilise pour découvrir Mars. Ici la technologie anti-gravité est une poudre – étrange choix rappelant un peu la magie, mais son procédé de fabrication est clairement scientifique. Le voyage dans l’espace est un des moins science-fiction de tous les voyages présentés ici et donne envie de classer cette œuvre dans les refusés de la S.F. Mais outre cette « innovation technologique » qu’est l’anti-gravité, c’est surtout pour l’imaginaire développé pour la planète Mars que ce film vaut le coup d’œil. La forêt vivante est une idée qui paraît très moderne pour la (pré-)science-fiction cinématographique de l’époque et la scène provoque encore son effet. Quant au Martien, géant lui aussi, son visage comme le traitement qu’il réserve au héros ne sont pas sans poésie.

Voici donc un court assez inégal (si l’on juge en terme de science-fiction) mais dont les qualités sont assez marquantes pour faire oublier les défauts. Le final ressemble fort à une fin ouverte, ce qui n’est pas sans déplaire.

Plusieurs éléments cinématographiques donnent une certaine modernité à l’ensemble. Le plan inversé de l’arrivée sur Mars : le héros arrive la tête en bas, ce qu’on pourrait rapprocher de l’idée de perte des repères usuels terrestres dans l’espace. Le plan de la forêt vivante qui joue plutôt sur la profondeur, ce qui change des plans dont la mise en scène proche de la scène de théâtre oblige au plan horizontaux. Le plan avec le Martien géant : la différence de taille entre le héros et l’extra-terrestre oblige également le réalisateur à approcher du gros plan ce qui reste assez inhabituel et en tout cas, pour les films de science-fiction ici visibles, le premier cas relevé.

The Airship Destroyer

1909 Film de Walter Booth (GB)

Histoire : L’Angleterre est attaquée par une puissance ennemie qui utilise des dirigeables transportant des bombes. L’armée aérienne, plus lègère que l’air, apporte la destruction et semble invincible. Un inventeur, qui a, parallèlement, quelques problèmes avec le père de l’élue de son coeur, cependant, créateur d’une torpille aérienne radio-commandée va faire échouer la cruelle entreprise et gagnera la main de son aimée…

Commentaires : On pense inévitablement aux Zeppelins que l’Allemagne utilisera pendant la Première Guerre Mondiale. Cependant, si l’année même où Booth fait ce film le LZ3 (le troisième Zeppelin) est livré à l’armée Allemande, ces deux successeurs, LZ1 et LZ2, n’ont pas volé plus d’une fois, et l’utilisation de ces « plus légers que l’air » dans des opérations militaires ne semblent à première vue pas si évidente (On note cependant en 1908 la publication de The War in the Air de H.G. Wells qui décrit une guerre aérienne à l’échelle planétaire, avec l’utilisation de dirigeables géants). Booth suppose donc le dirigeable blindé et en déduit, avec encore plus d’avance, la riposte : le missile sol-air guidé depuis la surface !

Booth réalise là un film d’anticipation et d’action, en y mêlant, en moins de 7 mn, une love-story. Le découpage scénaristique s’avère en un sens étrangement moderne. Il fait également appel à toute une palette d’effets : décors peints, modèles miniatures, maquettes, animation…

Cet étonnant petit film connaîtra deux suites — il s’agit en un sens d’une trilogie : The Aerial Submarine et The Aerial Anarchists.

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